QOHELETH/ECCLESIASTE
Le testament biblique d'un sage qui veut vivre juste
Chap. 2 | Chap. 3 et 4 | Chap. 5 à 8 | Chap. 9 et 10 |
introduction
La Bible hébraïque, qui comprend vingt-quatre livres, se compose de trois parties: le LIVRE de la LOI (ou Torah) contenant cinq documents: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome; les PROPHETES (ou Nebiim), comprenant huit documents: Josué, Juges, Samuel, Rois, Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et les Douze petits prophètes; et les Ecrits (ou Ketoubim).
Les KETOUBIM, appelés aussi HAGIOGRAPHES (= les Saintes Ecritures), comportent onze livres:
- trois livres poétiques: les Psaumes, les Proverbes et Job,
- trois autres écrits: Daniel, Esdras-Néhémie, les Chroniques
- les cinq ROULEAUX (ou Meguillôth ou Volumes), qui sont les cinq textes les plus brefs de l'ensemble des ECRITS et qui sont regroupés dans un ordre liturgique, celui de leur lecture tout au long de l'année dans la prière synagogale, à savoir: le Cantique des Cantiques, lu pour la Pâque; Ruth, lu à la fête des Semaines (ou Pentecôte); les Lamentations, lu le jour anniversaire de la destruction du Temple de Jérusalem); QOHELETH (ou l'Ecclésiaste), lu à la fête des Huttes (ou des Cabanes: fête agraire des récoltes, de la Dédicace du Temple: Voilà nos greniers remplis, voici notre nation dans sa gloire, mais en vérité, qui sommes-nous? Des fuyards sous des huttes...); et Esther, lu à la fête des Pourim ou des Sorts.
La tradition juive dit du roi Salomon qu'il écrivit trois livres: le Cantique des Cantiques, car lorsqu'un homme est jeune, il chante des chansons; les Proverbes, car lorsqu'un homme devient adulte, il façonne des proverbes; et l'Ecclésiaste, car lorsqu'un homme devient vieux, il chante la vanité et l'insignifiance de toute chose.
____________
Le vieil homme et la vie
Conseils d'un ancien à un jeune homme
Il était une fois un homme sage, plein d'expérience et de bon-sens, que la vie avait profondément marqué de son empreinte et qui avait retenu de sa longue existence des choses surprenantes. Il avait rédigé ainsi son message:
"Moi, Qoheleth, j'ai été roi d'un puissant
royaume et j'ai vécu dans le faste, le succès, la fortune et
les honneurs. J'ai été le riche roi "qui a rendu l'argent
à Jérusalem aussi commun que les pierres" (1 R 10,27).
J'avais sous mes ordres des milliers
de personnes, affables, empressées, courtoises, compétentes.
J'avais une femme splendide et intelligente, des enfants
adorables, un avenir assuré, bref la réussite sociale dans tous
ses états.
Je vivais mes loisirs dans une maison de
campagne qui était un château restauré, j'avais du personnel
de service, des sommeliers, des relations, des entrées
partout.Un jour, on me fit comprendre que j'étais devenu vieux,
et qu'il fallait céder la place. Je me mis à écrire,
puisqu'écrire est une manière nouvelle de naître et de vivre.
Ma réflexion me conduisit à dire que tout dans la vie est buée
d'haleine.
Homme parmi les hommes, je croyais en Dieu;
je croyais plus encore en l'homme et en sa capacité de
vivre au jour le jour dans la plus grande des sérénités.
J'avais observé aussi que l'homme perdait beaucoup de temps,
d'énergie et de tranquillité à vouloir devenir plus riche,
plus savant et plus puissant. Ces ambitions de savoir, de vouloir
et de pouvoir ne lui donnaient pas la qualité d'être ou de
mieux-être. Au contraire, elles augmentaient en lui la peine et
le souci inutiles. Pour moi, Qoheleth, la sagesse est la mesure
et la norme de toute chose. Mais quelle sagesse ? Celle d'une
existence accordée au rythme de la quotidienneté. Cette vie
quotidienne vécue avec intensité dans sa précarité et sa
fugacité est la clé de toute existence humaine sereine et
heureuse. Le quotidien, c'est le consistant, mais un consistant
fugace: une fugacité qui le définit et hors duquel il n'est
pas.
J'avais connu le roi Salomon, considéré comme le sage
par excellence (1 R
5:9-14); mieux, je me suis mis dans
la peau de ce roi prestigieux comme pour mieux mettre en avant
les limites, voire les échecs de cette sagesse, pour mieux dire
la vanité des choses après avoir fait l'expérience, comme roi,
de la vie la plus éblouissante et la plus fastueuse. Mais je ne
l'enviais pas. Je n'en voulais retenir que la leçon qu'il
laissait: vivre un quotidien de proximité, sans états d'âme ni
amertume ni démesure ni illusions, mais avec enthousiasme et
passion.
J'ai transmis mes réflexions à un fidèle serviteur et à un disciple dont j'ai fait un ami et mon confident."