St Gilbert 1958 Pardonner
Homélie pour François Brockly 2004



Saint GILBERT 1958

Vœux de fête des séminaristes à Gilbert Duchêne, professeur de morale et de droit canonique

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Un jour, un bébé rose naquit.

Semblable à un romanichêne

Aux cheveux noirs ébouriffés

Rien qu’à le voir on eût juré

Qu’il deviendrait un jour curé.

Les années ont passé, le bébé a grandi

On le retrouve à Bitche, entre des murs blanchis

Puis c’est le grand séminaire, ses pommes de terre à l’eau et ses boulettes farcies.

Le règlement est dur, mais l’homme est courageux,

Quand on descend du chêne, on a l’âme d’un preux.

Puis vinrent la guerre, les corvées, les tracas.

Puis c’est Rome, c’est Paris, le travail, les canons,

La récompense aussi, puisqu’en fin d’année,

Notre héros revient, couronné de succès,

Présenter à la foule son summa cum laude.

Le temps passe.  Le voilà professeur de droit canon et de morale…

C’est l’heure de la classe.

A peine sonnée,…sa silhouette surgit, noire, courbée, tête en avant,

Le pas cadencé, les bras chargés de feuilles, les feuilles chargée d’extraits,

Les souliers grinçants, le sourire aux lèvres et l’affaire entendue.

La prière, strictement invariable, est proche de la routine. 

A peine assis, c’est l’éternelle ronron du « Nous avons vu et nous verrons ».

Du cas »pello » au cas « farrel », du « cas» millo au cas « prara »,

Beaucoup de cas, peu de problèmes

Une seule adresse : "Gilbert Duchêne".

A midi, notre maître, affamé, très souvent en retard,

Se précipite, camail volant, sur son petit chaudron.

A cadence rapide, sa soupe est avalée,

Et de deux coups de langue, la cuillère nettoyée.

Le dessert englouti, le Père Duchêne sourit, et le voilà parti.

Quand le martyrologe a dit son dernier mot,

Son voisin de table (Paul Hamman) glapit : "Obdormivit in Domino".

Il en a vu des choses dans sa vie

Des burettes mal lavées, des élèves effrontés

Critiquant ses questions, cherchant à le faire mousser.

Des infirmière rusées qui, contre les Conciles,

Essaient de lui prouver qu’on pouvait divorcer.

Le soir, quand dehors tout est noir,

On entend avec bruit résonner dans les couloirs

Les galoches bien ferrées du héros de Moussey.

Il était sacristain et entend le montrer,

Quand à 10 heures du soir il descend contrôler,

Si le luminaire rouge est encore allumé.

Victime de sa bonne volonté, pour nous rendre les classes agréables,

Il essayait parfois de nous faire dérider.

Il fallait, pour qu’on comprenne, qu’il rît le premier.

La tradition, pour vous, (disait-on) c’est pas très compliqué,

C’était un père après l’autre, qui vient nous démontrer,

Que ce que vous nous dites, c’est bien la vérité.

Notre professeur chaque année reverdit.

Voici 10 ans qu’il pond et 10 ans qu’il fleurit,

Chaque nouvelle année revoit la chute des feuilles

Mais aucune jusqu’ici n’a vu la chute du chêne.

L’attaquer, le mettre en quartiers, l’étudiant l’eût fait volontiers,

Mais le mâtin était de taille à se défendre hardiment.

Souvent l’on disait : Gilbert Dehlinger, c’est du Hêtre ; Gilbert Jager, c’est du Charme ; mais Gilbert Duchêne, ça c’est du Boulot.

O professeur, en ce beau jour de fête,

Nous vous rendons hommage, malgré nos vilaines têtes,

Vous avez notre confiance, malgré les apparences,

On peut tous vous parler, vous savez écouter,

Et l’on souffre tellement de voir qu’on ne sait plus écouter les autres, qu’on répond avant qu’on ait parlé.

Vous nous donnez l’exemple d’un travail quotidien bien fait, l’exemple d’une simplicité et d’une droiture si rares de nos jours, même dans un grand séminaire, l’exemple d’une vie toute donnée.

Continuez à bien travailler ; que votre feuillage recouvre tout le voisinage. Fécondez cette Sibérie que l’on s’obstine à dire stérile. Vous avez notre soutien.

Ce sont là nos vœux pour la st Gilbert, en ce 4 février 1958.

En définitive, bon père Duchêne. Bonne fête.

On vous aime bien, tout de même.

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Ce jour-là, le P. Duchêne l’attendait. Il ne faisait pas cours, ce qui le morfondait, mais il souhaitait ce genre de vœux-compliments et s’en régalait.

camille-paul cartucci, metz (diacre)(archives diocésaines).

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