à Floran Brokly (messe
d'enterrement le 10. 12. 2004)
Ouverture : nous voici ce soir au bord du vide. Puisque nous
cherchons partout le visage de celui que nous avons perdu.. Il était notre
avenir, et nous avons perdu notre avenir. Il était des nôtres, et nous avons
perdu cette part de nous-mêmes.
Nous sommes réunis dans cette église
paroissiale st Symphorien pour accompagner à sa dernière demeure Floran Brokly.
Cet enfant, qui a fait sa première communion ici le 24 mai 2001, était né le 16
janvier 1990 à Metz. Le même jour que lui étaient nés Adélaïde et Alain, ses
frère et sœur. A un an et demi s’est déclarée une maladie génétique qui s’est
répercutée sur tout son organisme. Sa courte mais précieuse vie fut alors
traversée par tant d’épreuves de santé qu’il devint un modèle de courage et une
leçon de vie pour tous ceux qui l’ont connu. Il s’est endormi paisiblement dans
le Seigneur ce mardi 7 décembre. Il allait avoir 14 ans. C’est pour lui, pour
ses chers parents si fortement éprouvés, pour ses frère et sœur et toute la
famille que nous allons maintenant célébrer l’eucharistie.
Prions : Dieu notre Père, tu vois combien
nous sommes tristes à cause de cet enfant qui nous a quittés : donne à
ceux qui pleurent son départ de croire fermement qu’il est aujourd’hui auprès
de toi, plein de vie, en compagnie de
milliers d’enfants qui chantent ta gloire. Nous te le demandons par le
Christ notre Seigneur.………
Homélie
« Je suis le sauveur de mon
peuple dit le Seigneur, et s’il crie vers moi dans l’épreuve, je l’exauce. Je
suis son Dieu pour toujours ». L’homme biblique qui disait sa confiance en
Dieu traversait une rude épreuve. Et nous aussi, nous avons le besoin de crier
notre douleur et notre peine et de demander à Dieu de nous communiquer sa
force, pour que notre foi ne défaille pas devant une telle souffrance. Nous le
prions pour qu’il nous rende forts, pour garder le courage de vivre sur la
terre des vivants, alors que le malheur innocent nous frappe et que notre
détresse est immense. La mort d’un être cher est déjà une tragédie, mais celle
d’un enfant sans défense paraît être la suprême injustice.
La réponse, c’est Floran qui va nous
la donner. Il s’est endormi paisiblement dans le Seigneur, après avoir vécu
parmi les siens et grâce aux siens, pendant 13 ans, un bonheur indicible.
Lui qui ne pouvait ni parler, ni
bouger, il faisait parler et danser de joie tout le monde. Un si beau regard
était son visage. Choyé comme un enfant unique par ses parents, il était
entouré de l’affection de sa sœur et son frère comme un enfant de famille
nombreuse. « Il était toute ma vie » disait sa maman et il nous a
tout appris. Malgré son handicap, il nous a donné tant de bonheur. C’était le
soleil dans la maison. Il nous a fait réfléchir sur la vie, la souffrance, l’amour,
sur ce qui est essentiel et sur tout ce qui est superficiel et inutile. Nous
avons appris à travailler et à vivre avec le temps, à compter le temps, à faire
l’expérience que le temps est précieux et qu’il ne faut pas le perdre à des
balivernes. C’est en fonction de lui que toute notre vie était réfléchie et
vécue : la maison, l’école, les loisirs, les vacances, les fêtes,
l’important et le futile, l’essentiel et l’accessoire. Nous avons tout fait
pour lui : et il nous l’a bien rendu. Dans ses yeux brillait la volonté de
nous dire merci, de nous aimer. Alors qu’autour de nous, on passe tant de temps
à le perdre, lui nous posait en silence les vraies questions sur la valeur et
le prix de la vie. Nous sommes devenus, tous ensemble, meilleurs grâce à lui.
D’école, il n’a pas connu. La seule
période où il se trouva en compagnie de camarades du même âge dans un cadre de
travail, ce fut l’année de sa préparation à la première communion. Il était là,
avec Adélaïde, Alain, Thomas (Caillard),
Charlotte (Cassier), Kévin (Comte), Aurore (Gaspard),
Jimmy (Guth), Alexandra (Lutt), Roxane (Maas),
Aurélie (Magnolini), Sophie (Pierrot), Audrey (Zerbini).…et
pendant que ceux-ci griffonnaient quelques pensées profondes sur la religion
avec leur stylo, lui, il écoutait et se trouvait heureux d’être là. Ne pouvant
avaler un bout d’hostie, c’est sa mère qui, là encore, partageait la sienne en
lui donnant une part de communion. Tout était
ainsi partagé dans cette famille exemplaire et unie : la peine, les joies,
la souffrance, la prière, le désespoir parfois de ne pouvoir médicalement rien
faire pour lui sauver la vie. Mais c’est encore Floran qui donnait l’exemple et
la leçon de courage : il supportait ses épreuves physiques, ses
traitements, avec une force d’âme admirable.
Puis, après avoir rempli sa mission à
lui, après avoir fait sa vie à lui et après avoir été jusqu’au bout de son
souffle et de son espérance de vie, il est parti, sans souffrance, paisible,
semblant dormir tranquillement, le visage reposé. Son heure était venue. C’était
celle d’une courte existence où chaque seconde avait comme une valeur
d’éternité.
Aujourd’hui, il nous donne une
nouvelle leçon. Comme disait son papa, il y avait un avant Floran où tout s’est
construit et organisé autour de sa vie à lui. Maintenant il y a un grand vide,
un mur sans fenêtres, une route sans repères. Nous sommes comme désorientés.
Tout est à reconstruire, pas à pas, pierre
par pierre, maille après maille. Il y
aura un après Floran….et ce sera une nouvelle et belle vie, parce qu’elle se bâtira
sur tout ce qu’il nous a appris : amour, fidélité, respect, attention aux
autres, courage dans l’adversité, et par dessus tout, foi en l’avenir et en la
vie. Cette vie qui nous est donnée comme un présent inappréciable, pour
laquelle toute une famille s’est battue et qui mène un combat qu’elle n’a
jamais perdu. Ce gosse qui n’a eu rien d’autre de la vie que la tendresse
infinie de ses parents et de ses frère et sœur est aujourd’hui comblé de
la lumière et de la tendresse de Dieu.
camille paul cartucci, recteur de l’île st symphorien,
longeville-lès-metz. 10 12 04.