Chapitre II
Royaume de Dieu
et annonce de l'Evangile
(marturia)
On distingue généralement 4 grandes étapes dans le ministère de Jésus:
___________________________
Donc, après un premier temps où il fut à l'école de Jean-Baptiste et un second où il exerça un ministère de type baptiste en Judée, Jésus se rend en Galilée.
Il va faire de cette région son champ d'apostolat premier avec vraisemblablement de brefs séjours à Jérusalem pour les fêtes.
C'est cette période de sa vie, appelée communément "printemps de Galilée", qui sera celle de la prédication et de la proclamation de la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu:
- la charte et l'enseignement nouveau du Règne: le Sermon sur la Montagne
- la description, par similitude, du Règne: les Paraboles
- les signes vérifiables du Règne: les Miracles
- l'éthique du Règne: la condition de disciple.
_________________
Section 1.
La première prédication de Jésus
(son discours-programme
à la synagogue de Nazara)
Après un premier ministère en
Judée d'où il revient après avoir chassé les vendeurs du
Temple (Jn 2:13-22), Jésus revient en Galilée et se rend dans la
région du lac de Tibériade, à Capernaum où il séjourne
régulièrement.
Pour Luc (scène
anticipée - présentation rédactionnelle de l'épisode; cf Mt
13:54 et Mc 6:1-6), il vient
à NAZARA, sa patrie où il avait été élevé.
Cette visite de Jésus à la synagogue de Nazara inaugure son ministère messianique et fixe le début de son activité publique: Lc 4:16-22 décrit qui est Jésus et quelle est sa mission; Lc 4:23-30 nous apprend qui sont ceux à qui est destinée cette mission.
Sa mission, c'est d'annoncer la Bonne Nouvelle du Règne: elle va définir toute son existence. La Bonne Nouvelle du Règne, c'est Dieu qui vient en personne traverser l'histoire de l'humanité pour lui donner le sens voulu pour elle par Dieu depuis les origines.
temps: c'est le jour du shabbat, jour de repos, jour consacré à Dieu. Le sabbat rappelle le repos de Dieu au 7ème jour de la création (Gn 2:2); il est aussi le signe du monde nouveau attendu, tout en rappelant Deut 5:14-15: libérer les Hébreux de la captivité d'Egypte, c'est leur donner un statut d'hommes libres, donc d'hommes qui ont droit au repos contrairement aux esclaves.
lieu: Nazara est la
forme rare du nom de Nazareth, qu'on ne lit qu'une seule fois
ailleurs dans le Nouvceau Testament, en Mt 4:13
La synagogue est le lieu de rassemblement de la communauté pour
la prière. Elle fait aussi fonction d'école où l'on apprend
l'écriture et de tribunal où exerce le juge local de paix.
Cf par comparaison la visite de Paul à Antioche (Ac 13:14s): Paul entre dans la synagogue le jour du sabbat. Après la lecture, il est invité à prendre la parole pour la commneter. Il mentionne le témoignage de Jean-Baptiste sur Jésus, puis insiste sur l'accomplissement des Ecritures (Ac 13:27). Le discours de Paul est bien accueilli par les juifs et les prosélytes. Au début, tout au moins.
(pauvreté: en hébreu: situation sociologique; en grec: situation économique).
a) la remise de dettes: d'après les ordonnances d'Ex 23:10-12 et de Lv 25:1-7, l'année sabbatique avait été instaurée pour être une année de repos de la terre en souvenir de l'Alliance.Pour la législation deutéronomique, il y a un complément concernant les dettes entre israélites: l'année sabbatique est une année de rémission, une année de remises de dettes pour l'israélite et pour le "ger" (c'est-à-dire le colon domicilié en Canaan et vivant de la vie d'Israël), mais pas pour l'étranger de passage, qui n'est pas soumis aux lois d'Israël.
b) la libération de l'esclave: l'esclave est un frère devant Dieu: il est l'égal de son maître: non seulement il n'a rien à payer pour sa libération (Ex 21:2), mais son maître doit lui donner, en partant, un cadeau, des vivres pour quelques temps. Motif religieux: le maître doit se souvenir qu'il a été lui-même libéré par Dieu. D'où libérer l'esclave, c'est sa façon à lui de remercier Dieu d'avoir libéré son peuple. Le libérer le jour du sabbat (Dt 5:14-15), célébration hebdomadaire de la délivrance d'Egypte, c'est encore une manière de remercier Dieu, libérateur du peuple.
c) aujourd'hui s'accomplit cette
parole: c'est "maintenant" que s'inaugure,
en la parole même qui vient de retentir à la synagogue de
Nazara, ce temps de grâce annoncé par Esaïe.
Jésus n'est pas le lecteur arrivé là par hasard pour l'office.
Il s'annonce comme lle nouveau preophète, investi de l'Esprit
d'intelligence et de sagesse, dont la présence accomplit
"dès maintenant" la vieille espérance et les
promesses divines. Il est, comme tel, "la" bonne
nouvelle: changez de mentalité et de route, corrigez votre
vision des choses. "Dès maintenant", le Royaume de
Dieu est parmi vous. Annoncer cela, c'était soulever le peuple
des pauvres pour la réalisation de ses rêves et de ses droits.
C'était réactiver la conscience collective des anawim qui
attendaient le jour où Dieu imposerait la réorganisation de la
société qui se structurait depuis si longtemps dans
l'inégalité et dans l'injustice. C'était provoquer les justes
à construire eux-mêmes un monde où leurs droits seraient
reconnus et respectés.
En guise de conclusion:
"N'est-ce pas là le fils de Joseph", le charpentier de
Nazareth que l'on connaît si bien ? Et donc un homme sans
instruction rabbinique autorisée….
Surprise admirative.
Mais le ton va brusquement changer. Et c'est Jésus qui prend
l'initiative de répondre à l'étonnement de ses compatriotes.
Section 2.
Les récits
d'appel
Toutes les vocations dans le Premier
Testament ont pour objet des missions. Lorsque Dieu appelle,
c'est pour "envoyer" un homme en son nom, en témoin,
auprès d'autres hommes: Abram (Gn 12:1), Moïse (Ex 3:10.16),
Amos (Am 7:15), Esaïe (Es 6:9), Jérémie (Jr 1:7), Ezéchiel
(Ez 3:1.4). Il répète chaque fois la même injonction:
"Va". La vocation est ainsi l'appel que Dieu fait
entendre à un homme qu'Il s'est choisi et qu'Il destine à une
oeuvre particulière dans son dessein de salut et dans la
destinée de son peuple.
A l'origine, il y a donc élection divine. Au terme, il y a
volonté divine à accomplir.
Cet appel personnel bouleverse l'existence de l'appelé, non seulement dans sa situation sociale, mais jusque dans sa conscience: elle fait de lui un homme autre.
Souvent, Dieu prononce le nom de celui qu'Il appelle (Gn 15:1; 22:1; Ex 3:4; Jr 1:11; Am 7:8). Parfois, pour mieux marquer sa prise de possession et le changement d'existence qu'elle signifie, Dieu donne à son élu un nom nouveau (Gn 17:1; 32:29; Es 62:2).
Parfois la réponse de l'homme interpellé est instantané (Gn 12:4; Es 6:8), mais souvent l'homme est pris de peur et tente de se dérober (Ex 4:10s; Jr 1:6; 20:7). En effet, la vocation met à part et fait de l'appelé un étranger parmi les siens (Gn 12:1; Es 8:11; Jr 1:6; 15:10; 16:1-9; 1 R 19:4).
Jésus a multiplié les appels à le suivre: la vocation est le moyen par lequel il groupe autour de lui les Douze (Mc 3:13), mais il a fait entendre à d'autres qu'eux l'appel à le suivre (Mc 10:21; Lc 9:59-62). Et toute sa prédication a comporté, en plus du message, un appel à le suivre: "Si quelqu'un veut venir après moi…", (Mt 16:24), appel auquel beaucoup resteront sourds ou se déroberont (Mt 22:1-14).
La vocation dans l'état de
mission:
Lire la péricope Mc 1:16-20:
cette péricope témoigne d'une croissance. A l'origine, il y
avait deux récits séparés, isolés, chacun portant sur l'appel
de deux disciples. Ils ont été regroupés assez rapidement sous
l'influence de la pratique missionnaire judéo-chrétienne: un
missionnaire ne part jamais seul en mission. Jésus les envoie
donc deux par deux. C'est une loi de la pratique concrète de la
mission.
Mc 10:21 et Mc 10:28-30: autant de récits d'appel. Derrière tous ces textes, il y a un Modèle, un modèle de l'Ancien Testament, qui est celui de l'appel d'ELIE et d'ELISEE (1 R 19:19-21). Ce texte d'Elie a joué comme un référent qui a focalisé toute la tradition. L'appel des disciples par Jésus a pour terme de comparaison et pour modèle l'appel du prophète par Jahwé: - la rencontre ("il passa"); - la situation sociale ("il labourait…"); - l'appel ("il jeta sur lui son manteau"); - l'abandon des moyens de subsistance ("il immola…"); - l'adhésion au maitre ("il se leva et il suivit…").
Les modèles contemporains qui se présentaient à Jésus au moment où il appelait ses disciples étaient les suivants:
- le modèle prophétique: lire 1 R 19:19-21
- le modèle rabbinique: dans le milieu pharisien qui s'appelle le milieu poharisien avant 70, c'est le disciple qui a l'initiative. Celui qui veut être rabbin choisit son chef d'école pour sa formation. C'est lui qui choisit telle école, tel docteur, telle "maison" pour apprendre le métier de rabbin et les méthodes d'interprétation de la Torah, les voies de l'exégèse juridique, de l'exégèse d'édification et surtout pour observer et apprendre le comportement du rabbin à l'école même du maître qu'il s'est choisi et dont il veut être le disciple. Il se crée alors une communauté de vie, qui est évidemment une communauté temporaire, mais effective.
- le modèle synoptique: Jésus reconsidère la condition des appelés après la crise du printemps de Galilée. Plus exactement, il reconsidère la fonction du Collège des Douze: ce collège n'est plus un collège de compagnons missionnaires, instrument de la prédication du Règne, mais il devient maintenant l'Eglise elle-même. Puisque Israël refuse d'être l'Eglise de Dieu au sens vétérotestamentaire, l'Assemblée de Dieu, il y aura un Israël qui prendre la place de l'ancien Israël; ce sera le Collège des Douze (lire Lc 12:32: "Sois sans crainte, chétif troupeau…"). Le Règne promis, c'est le petit troupeau qui le reçoit. Dieu, selon son bon plaisir, en a ainsi disposé autrement. Jésus voulait d'abord réformer tout Israël. Devant son refus, Jésus continue, la mission aussi. L'Eglise prend le relais.
Il y a donc une communauté de destin entre l'appelé d'une part et la cause pour laquelle il est appelé: la cause du Règne. L'appelé partage l'existence missionnaire de Jésus. Il fait alors l'expérience de la rupture avec la vie d'avant l'appel: rupture avec le clan, avec la famille, avec les siens, avec la société, avec la conservation du clan (célibat).
Et Jésus est le modèle de cette rupture: par son dénuement, par la tension entre Jésus et le clan. C'est au clan que remonte la réputation calomnieuse qui est faite à Jésus (c'est lui qui le traite d'insensé).
En outre, le fait que Jésus appelle ses disciples de son propre "autorité" ("exousia") donne une dimension tout à fait unique et spécifique à cet appel. Quelle est cette exousia qui se voit particulièrement dans les récits d'appel et qui nous donne une idée précise de l'identité de Jésus dont elle est une composante majeure ? C'est une puissance/autorité immédiate (Unmittelbarkeit): Jésus ne se réfère à personne, à aucun principe d'autorité supérieur: ni à la Loi ni à l'interprétation juridique de la Loi (comme le font les rabbis) ni à la tradition ni même à Dieu. Il ne cite pas la Loi; il ne se réfère pas à la prophétie. Il n'ignore pas Dieu, mais il ne prend pas Dieu à témoin. Le prophète de l'âge classique prenait, lui, Dieu à témoin lorsqu'il disait: "Oracle du Seigneur. Ainsi parle Jahwé..". Jésus ne fait pas cela. Il dit simplement: "Moi, je…" Il parle de sa propre autorité. C'est là l'immédiateté de son pouvoir/autorité. Il parle et agit avec la même autorité que Dieu. Il décide de lui-même. Il le fait de lui-même.
A titre d'exercice, la comparaison qui s'impose est celle de l'appel d'Amos par Jahwé de derrière le troupeau (Am 7:14-15) et l'appel des disciples par Jésus qui agit à la place de Dieu : Mc 1:16-20; Mt 9:9; Lc 18:18-23.
Conclusion: on a, dans les récits d'appel, le témoignage le plus fort de la conscience que Jésus a de son identité, de son originalité, de son altérité. Deux dimensions dans les Synoptiques: - sa proximité avec le Père qu'il dit être plus grand que lui; il ne se mettra jamais à la place de Dieu; - son altérité : il agit "comme Dieu". C'est le témoignage le plus net de l'identité qu'il s'est attribuée, en se situant entre ces deux pôles.
Section 3
Le REGNE expliqué par la similitude: les PARABOLES
La parabole est un récit imaginaire, puisé dans l'expérience quotidienne d'auditeurs de rencontre, tous issus d'un monde rural et prétechnique, pour les amener à voir, dans l'invisible, les signes de la Venue du Règne, à corriger leur vision des choses et à entrer dans la dynamique du Royaume annoncé, déjà là et encore à venir.
Jésus d'ordinaire raconte une histoire pour en faire naître une autre. Inventée à partir de la vie, elle donne à penser et à vivre autrement.
Le contenu des paraboles ("mashal" en hébreu) apparaît 39 fois dans le texte massorétique et le terme grec "parabolê" apparaît 48 fois dans les Synoptiques. Jean parle de "paroimia". Si l'on tient compte des paraboles d'une certaine longueur et comportant des comparaisons explicites ou implicites sous forme de récit, on obtient une liste de 43 paraboles au sens courant: Mc en a 2 en propre; Mt 8 et Lc 17. En outre, sur ces 43 paraboles, 6 sont de la triple tradition et 10 de la source Q (Redenquelle de Jésus)
Les exégètes allemands distinguent
trois catégories de paraboles:
- les Gleichnisse (comparaisons): le fils demandant du pain,
l'œil lumière du corps, le figuier qui annonce l'été, etc
-les Parabeln (paraboles proprement dites): la parabole du
levain, de la drachme perdue, du trésor caché, de la graine de
moutarde, des deux fils, etc
les Novellen (récits exemplaires, sortes de contes): par ex. les
talents, le serviteur impitoyable, le fils prodigue, les ouvriers
de la onzième heure,etc.
On peut encore répartir sommairement les paraboles en quatre catégories:
Il y a onze paraboles évangéliques qui sont introduites par la formule: "Le royaume de Dieu (ou des cieux (Mt) est semblable à ….". Ce sont la parabole de la semence qui pousse en secret (Mc 4:26); la parabole du grain de moutarde (Mc 4:30-32 et par.); la parabole du levain (Mt 13:33); la parabole de l'ivraie (Mt 13:24-30); les paraboles du trésor et de la perle (Mt 13:44-46); la parabole du filet (Mt 13:47); la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18:23s); la parabole des ouvriers de la onzième heure (Mt 20:1-16); la parabole du festin (Mt 22:1-14); la parabole des dix jeunes filles (Mt 25:1-13).
Par la similitude, Jésus, en puisant ses exemples dans la vie courante des auditeurs, montre que le Règne de Dieu est proche et déjà-là et en même temps qu'il est au-delà de toute réalité humaine et encore à réaliser dans l'espace et le temps.
La parabole du bon samaritain (Lc 10:25-37):
1° quoi faire pour entrer dans la vraie vie ?(Lc 10:25-28):
2° le chemin à suivre pour avoir la vraie vie : Lc 10:29-37.
- v. 30: quels sont les personnages en présence ?
quelles sont les indications de lieu ? les actions ?
- v. 31-35: trois nouveaux personnages:
l'officiant : que fait-il ?(noter le verbe:"marche à distance")
le lévite : noter le verbe. En somme, les deux représentants du judaïsme ont "vu", mais tous deux "ont fait un grand détour" pour ne pas "s'approcher"du blessé. Ils n'ont rien "fait".
le samaritain: qu'est-ce qu'un samaritain ? expliquer la haine inextinguible entre juifs et samaritains. Noter les "sept" actions que le samaritain fait. Eux n'ont rien fait. Lui fait tout. Eux sont passés à distance. Lui s'est fait "proche". Lui se disait: "Si je ne l'aide pas, que va-t-il lui arriver ?"
_______________________________
La parabole des 10 jeunes filles: que n'a-t-on pas dit et écrit à leur sujet ?
Les premières communautés chrétiennes vivaient dans l'attente du Retour immédiat de Jésus ressusscité. L'Eglise, dont nous sommes; attend, encore et toujours, la Venue de son Seigneur sans que quiconque, hormis le Père, puisse dire ou prédire quand aura lieu la fin du temps.
En réalité, ce qui fait question, ce n'est pas tant la longueur de l'intervalle entre les deux avènements de Jésus que l'intervalle lui-même. Et pourtant, de nombreuses paraboles du Christ prévoyaient cet espace historique de croissance et de maturation qui serait donné à l'Eglise pour son développement comme ferment de l'histoire du monde.
Voilà pourquoi les disciples de Jésus devaient apprendre que l'essentiel, pour eux, comme pour nous, n'était pas d'attendre passivement un hypothétique et proche chambardement du monde, mais qu'il s'agissait bien plutôt de travailler, à long terme, à l'avènement d'un monde autre, monde dont ils seraient, sous la mouvance de l'Esprit, les artisans lucides et les bâtisseurs clairvoyants.
Voilà pourquoi aussi cet intervalle est, pour tous, le temps de l'urgence et, pour chacun, celui de la décision sans délai. A tout instant, un cri peut retentir dans la nuit pour annoncer le Retour du Seigneur venant demander des comptes à ses serviteurs. Entreront alors dans la fête tous ceux qui, tels des veilleurs dans la nuit, auront été fidèles jusqu'au bout; tous ceux qui, tels des intendants astucieux, auront eu la précaution et la prévoyance de faire, à temps, la provision d'huile nécessaire à la production de la lumière.
Que signifie ici cette provision d'huile ? Fruit de l'olivier (lui-même symbole de la prospérité), l'huile constituait, en ce temps-là, avec le pain et le vin, ce qu'on appelle aujourd'hui les articles de première nécessité. Ses usages étaient en effet multiples: on l'utilisait pour la préparation des aliments, pour alimenter les lampes à huile destinées à éclairer la maison, pour masser les muscles ou parfumer le corps, pour panser les blessures eet adoucir les plaies. Le symbolisme de l'huile n'en est pas moins riche. Symbole de la joie, l'huile fait resplendir les visages et ne pas s'en enduire était un signe de tristesse et de deuil. Symbole de l'amitié et de l'hospitalité, c'était souhaiter la bienvenue à quelqu'un que de répandre de l'huile sur sa tête. Symbole de richesse, c'était être un bon chef de famille que de posséder une oliveraie fructifère. Symbole de la bénédiction divine, ce fut une terre riche en oliviers qui fut donnée au peuple hébreu en signe de sa fidélité à l'Alliance.
Cela dit, dans l'évangile de ce jour, contrairement aux laïus pieux des gloseurs qu'on entend souvent à son sujet, la vigilance ici ne consiste pas à "rester éveillé", à "veiller" dans la nuit dans l'attente du retour du maître qui tarde. C'est d'autant plus vrai que le texte dit en toutes lettres que "toutes dormaient" (Mt 25:5). Il n'est donc reproché à aucune d'entre elles d'avoir pris quelque sommeil ou de s'être assoupies. Ce qui est reproché à cinq d'entre elles, c'est d'avoir laissé mourir la flamme, faute d'avoir pris une réserve d'huile suffisante. Pour st Jean Chrysostome, évêque et pasteur (+ 407), cette huile de provision symbolise "la bienfaisance, l'aumône, la pitié pour les malheureux". Et c'est bien le sens qu'il en faut retenir: le disciple de Jésus doit garder vivants en lui le désir et le devoir de "secourir le prochain par tous les moyens qui sont en son pouvoir, le salut n'étant pas possible d'une autre manière".
Faire provision d'huile, être vigilant, c'est donc avoir l'intelligence de prévoir pour ne pas être pris au dépourvu. C'est faire fructifier; c'est calculer; c'est miser, non pas sur les valeurs que propose une civilisation de la réussite sociale, de la productivité économique et du prestige humain, mais au contraire faire fond sur celles que crie une Eglise de la communion, du partage et de la fraternité à l'égard des "plus petits des frères de Jésus". Faute de comprendre cela à temps et de le pratiquer, le Maître du Festin dira aux linottes de la parabole ce que la fourmi disait, quant à elle, à la cigale de la fable: "Vous chantiez ? Eh bien, dansez maintenant ! ".