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La pluie et les fruits de la Terre.
Psaume 104 (103) strophe 4 : vv 13 à 15 (suite). c p cartucci
v 13: du haut du
ciel, tu fais tomber la pluie sur les montagnes, tu veilles à ce que la terre
soit bien irriguée.
v 14: c'est toi qui fais pousser l'herbe pour le bétail domestique et les
plantes pour que les hommes les cultivent.
La terre leur donne ainsi ce qu'il faut pour bien vivre:
v 15: - du vin pour réjouir leur existence, - de l'huile pour
faire resplendir leurs visages, - du pain pour refaire leurs forces.
Si
les eaux d'en bas font jaillir de leur réserve les sources et les torrents, les
eaux d'en haut, celles qui sont en retenue au-dessus du firmament, tombent du
ciel sous forme de pluie et de rosée. Ces eaux (pluie et rosée), c'est Dieu,
maître des éléments, auteur d'oeuvres grandioses, qui les envoie en temps
opportun, comme une bénédiction, pour arroser la terre et faire ruisseler les
champs (Jb 5:10): les pluies d'automne permettent les travaux de préparation
des semailles; les pluies de printemps assurent la qualité et la quantité des
récoltes et des moissons. S'il les retient, c'est la sécheresse, signe de malédiction
pour le sol (terre asséchée). S'il ouvre les vannes trop longtemps ou trop
fortement, c'est le déluge, signe de jugement et de châtiment pour les
habitants (terre submergée). Lire ici le Psaume 65(64): 10-14.
Les
éléments nourriciers de base sont les fruits des plantes, des végétaux du
soleil méditerranéen: - des arbres (tels l'olivier, l'amandier, le figuier, le
grenadier), - des arbrisseaux (telle la vigne), des céréales (tels le froment
et l'orge). Ils sont mentionnés fréquemment dans la Bible (Dt 7:13; 11:14;
12:17; 14:23: 18:4; 28:51; etc.)
Sur
les bords du Jourdain et ailleurs en Asie Mineure poussait depuis des millions
d'années une "herbe" (Ps 104:14) qui contenait des grains bourrés
d'amidon et de protéines. On l'appela "blé". Il y a 8000 ans, on découvrit
que ces grains pouvaient être semés. Ce fut le commencement de la révolution
du néolithique, l'apparition de l'agriculture. Le blé est donc un produit de
la culture ; il a été lentement fabriqué par une lente sélection de
certaines graminées. Il est une céréale si peu "naturelle" que s'il
était livré à la concurrence de vraies plantes naturelles, il serait immédiatement
battu et chassé. Si l'humanité disparaissait de la surface du sol, le blé
disparaîtrait moins d'un quart de siècle après elle; et il en serait de même
de toutes les plantes "cultivées" et des arbres fruitiers. Toutes ces
créations de l'homme ne subsistent que parce que l'homme les défend contre la
nature. C'est bien l'idée du Psaume 104 v. 14.
Quelques
tribus, errantes jusque-là, construisirent des cabanes en dur, avec un grenier
bien sec pour conserver le grain. Des villages se formèrent. La société
rurale qui naissait s'organisa à partir de la propriété du sol et de sa
protection contre les bergers errants. Les ruraux broyèrent le grain entre deux
pierres; le grain devint farine; mêlée à de l'eau, on en fit une pâte que la
cuisson sur une pierre de braise transforma en galette dure et que le chef de
famille rompait et distribuait à la tablée. Le pain fabriqué à partir du blé
cultivé est devenu très vite la nourriture de base de toute l'humanité et le
symbole de sa vie.
Le
système de valeurs élaboré par les grecs et les latins manifestait peu d'intérêt
pour la nature, inculte, sauvage, improductive. Selon eux, la forêt était
synonyme de marginalité et d'exclusion. Mais ils valorisaient a contrario la
cité et la campagne aménagée avec ordre autour de la ville et ils définissaient
les hommes comme des "mangeurs de pain". Et tout logiquement, ils
accordaient la priorité au travail des champs, à la culture de la vigne, de
l'olivier et du blé, précisément.
La
culture des tribus germaniques qui, à partir du 3ème siècle, allaient conquérir
l'Europe, était celle des peuplades qui vivaient plutôt de l'élevage, de la
chasse et de l'exploitation de la forêt. C'étaient des "mangeurs de
viande". De leurs luttes séculaires naîtra un nouveau modèle alimentaire
qui combinera les deux traditions: la viande, symbole de la force, deviendra
l'aliment essentiel de l'homme, au point qu'on ne dira plus qu'il faut
"gagner sa croûte", mais qu'il faut gagner "son beefsteack".
La culture du blé se développera parallèlement, d'autant plus que le pain et
le vin symboliseront la tradition du repas eucharistique dans le modèle chrétien.
Le Coran, à la Sourate XVI, dit à son tour: "Dieu, c'est Lui qui fait descendre du ciel l'eau qui fait croître les plantes. Grâce à elle, il fait pousser pour vous les céréales, les oliviers, les palmiers, les vignes et toutes sortes de fruits. Il y a vraiment là un signe pour un peuple qui réfléchit" (à suivre).
camille
paul cartucci,