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N°28
Janvier
2002


La pluie et les fruits de la Terre.  Psaume 104 (103) strophe 4 : vv 13 à 15 (suite). c p cartucci

v 13: du haut  du ciel, tu fais tomber la pluie sur les montagnes, tu veilles à ce que la terre soit bien irriguée.
v 14
: c'est toi qui fais pousser l'herbe pour le bétail domestique et les plantes pour que les hommes les cultivent.
La terre leur donne ainsi ce qu'il faut pour bien vivre:
v 15: -
du vin pour réjouir leur existence, - de l'huile pour faire resplendir leurs visages, - du pain pour refaire leurs forces.

Si les eaux d'en bas font jaillir de leur réserve les sources et les torrents, les eaux d'en haut, celles qui sont en retenue au-dessus du firmament, tombent du ciel sous forme de pluie et de rosée. Ces eaux (pluie et rosée), c'est Dieu, maître des éléments, auteur d'oeuvres grandioses, qui les envoie en temps opportun, comme une bénédiction, pour arroser la terre et faire ruisseler les champs (Jb 5:10): les pluies d'automne permettent les travaux de préparation des semailles; les pluies de printemps assurent la qualité et la quantité des récoltes et des moissons. S'il les retient, c'est la sécheresse, signe de malédiction pour le sol (terre asséchée). S'il ouvre les vannes trop longtemps ou trop fortement, c'est le déluge, signe de jugement et de châtiment pour les habitants (terre submergée). Lire ici le Psaume 65(64): 10-14.

Les éléments nourriciers de base sont les fruits des plantes, des végétaux du soleil méditerranéen: - des arbres (tels l'olivier, l'amandier, le figuier, le grenadier), - des arbrisseaux (telle la vigne), des céréales (tels le froment et l'orge). Ils sont mentionnés fréquemment dans la Bible (Dt 7:13; 11:14; 12:17; 14:23: 18:4; 28:51; etc.)

Sur les bords du Jourdain et ailleurs en Asie Mineure poussait depuis des millions d'années une "herbe" (Ps 104:14) qui contenait des grains bourrés d'amidon et de protéines. On l'appela "blé". Il y a 8000 ans, on découvrit que ces grains pouvaient être semés. Ce fut le commencement de la révolution du néolithique, l'apparition de l'agriculture. Le blé est donc un produit de la culture ; il a été lentement fabriqué par une lente sélection de certaines graminées. Il est une céréale si peu "naturelle" que s'il était livré à la concurrence de vraies plantes naturelles, il serait immédiatement battu et chassé. Si l'humanité disparaissait de la surface du sol, le blé disparaîtrait moins d'un quart de siècle après elle; et il en serait de même de toutes les plantes "cultivées" et des arbres fruitiers. Toutes ces créations de l'homme ne subsistent que parce que l'homme les défend contre la nature. C'est bien l'idée du Psaume 104 v. 14.

Quelques tribus, errantes jusque-là, construisirent des cabanes en dur, avec un grenier bien sec pour conserver le grain. Des villages se formèrent. La société rurale qui naissait s'organisa à partir de la propriété du sol et de sa protection contre les bergers errants. Les ruraux broyèrent le grain entre deux pierres; le grain devint farine; mêlée à de l'eau, on en fit une pâte que la cuisson sur une pierre de braise transforma en galette dure et que le chef de famille rompait et distribuait à la tablée. Le pain fabriqué à partir du blé cultivé est devenu très vite la nourriture de base de toute l'humanité et le symbole de sa vie.

Le système de valeurs élaboré par les grecs et les latins manifestait peu d'intérêt pour la nature, inculte, sauvage, improductive. Selon eux, la forêt était synonyme de marginalité et d'exclusion. Mais ils valorisaient a contrario la cité et la campagne aménagée avec ordre autour de la ville et ils définissaient les hommes comme des "mangeurs de pain". Et tout logiquement, ils accordaient la priorité au travail des champs, à la culture de la vigne, de l'olivier et du blé, précisément.

La culture des tribus germaniques qui, à partir du 3ème siècle, allaient conquérir l'Europe, était celle des peuplades qui vivaient plutôt de l'élevage, de la chasse et de l'exploitation de la forêt. C'étaient des "mangeurs de viande". De leurs luttes séculaires naîtra un nouveau modèle alimentaire qui combinera les deux traditions: la viande, symbole de la force, deviendra l'aliment essentiel de l'homme, au point qu'on ne dira plus qu'il faut "gagner sa croûte", mais qu'il faut gagner "son beefsteack". La culture du blé se développera parallèlement, d'autant plus que le pain et le vin symboliseront la tradition du repas eucharistique dans le modèle chrétien.

Le Coran, à la Sourate XVI, dit à son tour: "Dieu, c'est Lui qui fait descendre du ciel l'eau qui fait croître les plantes. Grâce à elle, il fait pousser pour vous les céréales, les oliviers, les palmiers, les vignes et toutes sortes de fruits. Il y a vraiment là un signe pour un peuple qui réfléchit" (à suivre).    

camille paul cartucci,  

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