N°26 bis
Novembre 2001


Homélie du 11 novembre 2001

Le 11 novembre 1918, à 11 heures du matin, était signé, à RETHONDES, l'armistice mettant un terme à la "Grande Guerre" à laquelle avaient pris part les peuples des cinq continents.

Le désastre avait, pour la première fois, gagné la terre entière. La guerre "mondiale" apparut aux hommes comme la plus terrible crise que le monde eut traversée depuis le commencement de l'Histoire. Les ruines et les pertes furent colossales, le désir de paix était unanime. Pour la première fois apparut la nécessité absolue de transposer les projets théoriques de "paix perpétuelle" dans la réalité politique internationale. La volonté concrète d'une organisation juridique de la communauté humaine s'imposa alors comme une des aspirations essentielles des peuples appelant de leurs voeux, du fond de leur détresse, l'entente et la coopération comme les conditions sine qua non de la sauvegarde de la civilisation et contre le retour de (et le recours à) la barbarie.

Le président WILSON avait précisé, dès le 8 janvier 1918, dans un message aux belligérants, les 14 points qui devaient servir de base, à son point de vue, aux futurs traités de paix: les deux principaux étaient l'organisation d'une "Société des Nations" et l'acceptation du principe des Nationalités pour le règlement de toutes les questions territoriales. Selon lui, la paix ne devait plus être, comme par le passé, la signature entre Chefs d'Etat d'un arrangement diplomatique, mais les hommes devaient, au contraire, se placer sur un plan idéal pour concevoir une organisation juridique de la communauté internationale et le premier essai de pacification durable et perfectible entre les pays. Le cataclysme "total" de la guerre de 1914-18 devait être la condamnation d'une époque et constituer le prélude d'une rénovation politique de l'univers.

L'idéologie wilsonnienne et l'idée d'une "Société des Nations" cheminèrent très vite dans les courants de toute opinion, dans les tranchées, les usines, les ambassades. Elles contribuèrent, quoiqu'on en ait dit, à hâter la fin des hostilités et l'avènement de la "paix universelle" longtemps rêvée et maintenant ardemment désirée. La S.D.N. est loin d'avoir déçu les espérances grandioses que l'opinion avait fondées sur elle. Elle apparaissait, généreuse, comme la tentative la plus vaste d'une organisation générale des intérêts communs de l'humanité. L'application de ses principes devait dépendre, non de la force, mais de "l'état moral" du monde des nations. C'était faire preuve d'une noblesse de vue insigne. C'était aussi, et déjà, porter les germes de l'effondrement. Mais c'était poser, en termes politiques, les jalons éthiques et universels d'une authentique communauté humaine.

La moralité de l'histoire, en tout cas, tout le monde la connaît: ce fut, 25 après, pour qui l'aurait oublié, l'éblouissant et atroce feu d'artifices d'Hiroshima couronnant cinq années d'une seconde guerre planétaire. Une nouvelle fois, les leaders des Nations victorieuses se retrouvèrent, en 1945, à la Conférence de San Francisco, pour "défendre la paix" et remporter, cette fois, par l'Organisation des Nations Unies, la victoire sur la guerre elle-même, au nom des droits de l'Homme et de la Liberté des peuples.

Mais nous avons appris, à nos dépens et après bien des illusions perdues, que "l'abîme de l'Histoire est assez grand pour tout le monde" (Valéry) et qu'il n'est pire chimère que de s'en remettre, par grandeur d'âme ou par idéal, à la fascination tragique des utopies.

camille paul cartucci

 


Retour à la liste des lettres