N°25
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Saint Symphorien 2001
Par des psaumes et des hymnes, chantez à Dieu votre reconnaissance, dit la Bible.
Or notre époque est pauvre en vraie musique. Elle camoufle par du bruit et par le vacarme des sonorisations le tumulte et la solitude des hommes en leur donnant à subir ce qu'elle croit être de la musique.
Mais une assemblée qui chante ne peut pas se contenter de sortir à tue-tête des rengaines médiocres. Une église qui chante est une assemblée de croyants qui dit sa foi au Dieu Vivant et qui porte devant lui les espoirs et les peines de ceux qui l'écoutent. Seul ou en chorale, le croyant traduit dans le chant les événements qu'il a vécus et dit à Dieu son émerveillement, son repentir ou son action de grâces. Dans le chant le plus simple, pour peu qu'il soit bien chanté, peuvent se rencontrer toute la beauté d'une âme et toute l'harmonie de l'univers. Chanter ensemble, c'est se donner une âme commune pour vivre en commun une aventure commune, tant il est vrai qu'un homme seul est toujours en mauvaise compagnie.
La vie nous fait bouger, la misère et la guerre nous font crier, la joie nous fait danser, le silence nous fait rencontrer ce qui est inexprimable.
Il était italien. Il était blond, maigre, assez grand et pouvait avoir 25 ans. On n'a jamais su son nom.. Il fut jeté par les SS dans la cave aux otages, avec 7 juifs raflés à Lyon et qui devaient mourir la nuit même pour venger la mort d'un milicien. Les 7 juifs avaient des noms, inscrits sur des cartons; pas lui. Il était condamné à tomber tout à la fois dans le fossé des suppliciés et dans l'oubli. Pourtant, le jeune homme n'a pas complètement disparu. Il a inscrit son nom dans la mémoire des hommes grâce à la musique. Durant la nuit en effet, pendant qu'ils attendaient l'heure de leur supplice, les 7 prisonniers virent l'italien se lever tout à coup et entonner l'air final de la Tosca, l'air de Cavaradossi condamné comme lui à mourir au petit matin.
Ce martyr de la résistance ne cessa de chanter, en attendant avec horreur le moment de sa mort décidée par des barbares: ""E lucevan le stelle..." le ciel luit de millions d'étoiles, la terre embaume tout de ses senteurs... L'heure s'est enfuie et je meurs sans espoir. Et je n'ai jamais autant aimé la vie..."
Une chorale qui chante, c'est le ciel qui sourit, c'est le bonheur d'une église en marche. "Je ne suis pas sûr que les séraphins, lorsqu'ils sont en train de glorifier Dieu, jouent de la musique de Bach. Je suis certain en revanche que lorsque les archanges sont entre eux, ils jouent du Mozart et que Dieu aime alors tout particulièrement les entendre", écrivait le théologien allemand Karl Barth. Quant à moi, je suis plus sûr encore que lorsque des choeurs d'hommes et de femmes chantent la gloire de Dieu dans l'assemblée des saints, c'est tout le ciel qui est aux anges et qui chante avec eux.
Soyez remerciés et félicités pour la qualité de vos chants, pour le travail que cela représente, pour le souffle de fraternité que cela donne à ceux qui vous écoutent.
Rien ne rend plus heureux que de chanter ensemble, rien ne rend plus libre qu'une musique qui libère de l'angoisse et donne la paix intérieure. De sa naissance à la tombe, la musique accompagne tout être humain qui est sorti des mains de Dieu: chant de lamentations et de pardon, chants de joie et de liesse, chants de fête et chants de désespoir, peu importe. La gloire de l'homme, c'est de persévérer dans le service et la louange de Dieu.
Certains diront, et ils sont nombreux: je ne sais pas chanter, je chante faux. Courage, citoyen, car au ciel, le monde des désaccords aura disparu et tout le monde chantera alors juste, parce que tous seront accordés et associés à la jubilation des anges qui feront monter vers Dieu, sans interruption, l'ovation des créatures.
Oui, avec Bach, les séraphins jubilent; avec Mozart les archanges exultent; avec l'humanité entrée dans la gloire de Dieu, soit une centaine de milliards d'hommes et de femmes venus des quatre coins de la terre depuis les origines et donc avec vous, ce sont autant d'anges du ciel qui célèbrent dans la joie la vie que Dieu a donnée aux hommes pour en faire des enfants du paradis, pour l'éternité.
camille paul cartucci, st symphorien 2001