N°16
Octobre 2000


Le peuple de Dieu, c'est toute l'humanité.
Et l'histoire du salut commence avec la création du monde.
camille paul cartucci

DIEU veut se DONNER. Il ne crée pas pour créer, mais il crée par amour pour avoir sur qui faire reposer ses bienfaits. Ce don qu'il fait de lui-même à des créatures spirituelles qu'il crée dans ce but s'appelle le SALUT. Le Salut, c'est l'acte de la rencontre de Dieu et de l'homme.

A l'œuvre depuis les origines du monde, le mystère du salut n'a laissé hors de son influence aucune fraction de l'humanité.

Le Père des Cieux, respectant la liberté des créatures, n'a pas voulu les aveugler de sa présence, mais il a voulu apprendre petit à petit à l'homme qui Il était et pourquoi Il l'avait créé. Tout en demeurant dans le mystère de sa divinité, ne s'étant pas laissé sans témoignage de lui-même, il a demandé à son œuvre de devenir progressivement le signe visible de son amour créateur et le lieu de rencontre entre Lui et l'humanité.

Dieu en effet se manifeste en permanence, de manière prévenante, dans le quotidien de la vie, à tout être qui veut bien dépasser les apparences des signes: quand l'homme naît, le monde est là, qui le précède, qui l'attend et qui l'accueille. Ce monde est donné par Dieu comme une demeure belle et grande, hospitalière. Il est la terre nourricière de tous les hommes, il est choyé par Dieu qui met son bonheur à en faire une terre bénie: faisant le bien au jour le jour, dispensant du ciel les pluies et les saisons fécondes en fruits, emplissant nos cœurs de nourriture et de joie (Ac 14:17). Les constantes de la nature manifestent la bonté divine. Et il faut savoir reconnaître jusque dans les lois les plus nécessaires l'intervention aimante de Dieu.

La création est donc objectivement apte à manifester aux yeux de la raison l'existence du Créateur et sa providence universelle et, aux yeux de la foi, l'existence du Père des Cieux et de sa providence aimante. Cette providence se dévoile par la sollicitude qu'il déploie au jour le jour en s'occupant de l'homme qui l'invoque sans se lasser. Sa bonté existe pour l'homme si celui-ci veut bien ouvrir les yeux et se laisser emporter par la reconnaissance et l'action de grâces dans le dialogue aimant que Dieu amorce ainsi avec lui au fil des jours et des temps.

Tous les hommes sont ainsi reliés à Dieu par le signe de la création qui témoigne pour chacun que Dieu l'aime personnellement. En vertu de la volonté de salut universel de Dieu, il faut admettre que le signe de la création est le moyen objectif, surnaturel et universel qui permet à tout être humain qui vient en ce monde et qui ne connaîtra peut-être jamais la lumière de la Révélation, de faire un authentique acte de foi en l'existence de Dieu Créateur et Père, de reconnaître ainsi l'amour de ce Dieu pour lui. Cet homme n'aura pas une connaissance de la Parole de Dieu, mais de la parole dite sur Dieu par la création.

Le Christ lui-même a d'ailleurs utilisé ce signe de la Création lorsqu'il parlait des oiseaux du ciel que "le Père nourrit ou des lys des champs que Dieu habille"(Mt 6:25s). Il ne parlait pas alors de Dieu le Père, mais de la paternité et de la bonté divines envers tous les êtres; il ne faisait pas de la théodicée à ce moment-là.

Tout homme qui vient en ce monde a été créé par Dieu en Christ et pour Lui. Voilà pourquoi il est un enfant aimé de Dieu entre tous. Il peut donc dire en vérité à ce Dieu qu'il cherche comme à tâtons: "Père des hommes, toi qui es dans les cieux, loué sois-tu pour le soleil qui nous éclaire et nous fait vivre; merci pour le pain et la nature hospitalière que tu nous donnes chaque jour". Il a la possibilité de pratiquer une authentique religion de l'action de grâces (cf Rom 1): on ne rend pas grâces à une cause première ou à un premier moteur. Avec cette action de grâces, on retrouve à l'œuvre les trois vertus théologales qui ne procurent pas par elles-mêmes la présence personnelle de Dieu, mais qui sont une visée authentique de Dieu tel qu'Il est en lui-même et tel qu'Il se donne à l'homme. Cet homme, chantant ainsi la gloire de Dieu, croit que ce Dieu s'occupe avec amour de lui, espère qu'Il sera fidèle à ce qu'il a déjà fait et à ce qu'il promet, et l'aime comme celui qui chaque jour lui donne, gracieusement, les ressources indispensables à la vie.

Le peuple des enfants de Dieu, c'est donc toute l'humanité qui, par des chemins différents, mais convergents, marche vers le même Royaume que Dieu a préparé en Christ, pour tous les hommes, dès avant la création du monde.

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Reconnaissance

Il m'est impossible de répondre personnellement à toutes les personnes amies qui m'ont rendu visite durant mon séjour à l'hôpital, qui ont téléphoné (le standard commençait à fatiguer), qui m'ont envoyé des cartes, des fleurs, des souvenirs, des témoignages parfois émouvants de sympathie.
Je dis ici à toutes un affectueux merci.
Il sera difficile d'oublier ce que l'une ou l'autre a fait pour m'aider à sortir chaque jour de la dépendance, de l'isolement et de l'anonymat dans lesquels vous plonge un hôpital, lorsqu'on est seul et qu'on ne peut plus subvenir par soi-même aux besoins et nécessités les plus élémentaires de la vie courante.
Je redis ma vive gratitude à toutes ces personnes et demande au Seigneur d'inscrire tout ce qu'elles ont fait sur son Livre de Vie. Un jour ou l'autre, Il saura en faire mémoire.
Monsieur l'abbé

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Il était une fois un brave homme qui se croyait être devenu un grain de maïs. Il fuyait tous les volatiles qu'il apercevait de près ou de loin, de peur d'être picoré.
On réussit à le faire soigner et il passa plusieurs semaines de rééducation dans un hôpital psychiatrique.
Puis, devant ses progrès, il reçut le feu vert de sortie.
Hélas, il y avait un coq dans la cour et notre héros prit la fuite dès qu'il le vit.
On le rattrapa: "Voyons, Monsieur, vous savez bien maintenant que vous êtes un homme et non pas un grain de maïs".
"Oui, ça je le sais, moi. Mais le coq, lui, ne le sait peut-être pas".

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Il était une fois un homme qui était vraiment trop soûl pour poser sans bruit, au fond de l'église, ses baluchons de clochard. Il s'est avancé en titubant droit sur l'autel. Nous guettions le scandale.
Il a pris appui sur le premier banc pour s'agenouiller. Puisant dans son reste de dignité, il a fait lentement un large signe de croix pour encadrer la prière que Dieu seul connaît.
Il a quêté parmi nous, c'était la présentation des offrandes. Il m'a dit: "Dieu vous bénisse". Surpris, j'ai murmuré: "Vous aussi".
Il a voulu partager sa joie ou sa peine, je ne sais. Je lui ai fait le signe du silence, Il a obéi. Il a prié avec nous, assis en tailleur dans l'allée. Puis il s'est retiré pour le Notre Père qu'il a dit fortement.
Au baiser de paix, il est resté seul. Dieu m'a murmuré d'aller le voir. Je n'ai pas osé.
Alors j'écris pour dire que je remercie Dieu de nous avoir visités et que je regrette de l'avoir laissé sur le pas de la porte.

Les grands silencieux sont des gens qui ont quelque chose à dire.

François...x, chapelle Montparnasse, Paris

 


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