N°4 Avril 1999

 


Philippe, l'un des Sept... Camille-Paul CARTUCCI. Metz.

La communauté-mère de Jérusalem était composée de deux groupes de croyants:

le groupe des judéo-chrétiens, parlant araméen comme l’atteste le Marana tha (1 CO 16:2). D’origine juive jérulasémite et convertis au christianisme, leurs dirigeants sont les "Douze", tous porteurs de noms palestiniens. Leur figure de proue est Jacques, frère du Seigneur (Ga 2 :12). Marqués par leur identité juive, pour eux, Jésus est venu renouveler de l’intérieur le judaïsme (Mt 5:17-20). Ils se tournent donc exclusivement vers la nation juive (Mt 10:5-6) et promeuvent le renouveau de la foi juive en en conservant les deux marques essentielles: la circoncision et le sabbat (Ac 15:1 -5).

le groupe des hellénistes (ce nom leur est donné par Ac 6:1): il s’agit des juifs qui parlent grec (Ac 6:5), convertis au christianisme et venus à Jérusalem après un séjour dans la Diaspora. Leurs figures de proue sont Etienne et Philippe. Leurs ancêtres avaient émigré de Palestine. Or la mode conduisait les juifs pieux dispersés dans le monde gréco-romain à terminer leurs jours sur la terre des aïeux. A leur retour, ils étaient démunis, sans le sou, sans attaches, sans parents. Les veuves, qui effectuaient ce retour, étaient, à plus forte raison, dans la misère. Ayant fait profession de foi chrétienne, elles étaient rejetées et ne pouvaient puiser dans la caisse de communauté juive. Pour prendre en charge tous ces laissés-pour-compte, les Douze (les dirigeants du groupe judéo-chrétien) voulant se consacrer entièrement au ministère de la Parole, choisirent parmi les leaders du groupe (du judaïsrne helléniste) sept hommes (d’origine juive sans autre détermination que "d’être sages, de bonne réputation" et d’avoir des noms grecs, sauf Nicolas qui est prosélyte) pour les instituer responsables de la communauté des hellénistes. Ils leur imposèrent les mains (signe visible de l’installation dans une fonction), procédant ainsi à l’instauration d’un ministère nouveau. Si, d’après Ac 6:1-2, les SEPT sont institués pour un ministère d’assistance matérielle (fournir une aide pécuniaire aux veuves), Luc décrira l’activité d’Etienne et de Philippe (appelé par Luc l’évangéliste en Ac 21: 8),comme une activité qui n’eut rien à voir avec un quelconque service des tables.

Les DOUZE (4X3) et les SEPT (4+3) ne sont donc pas deux groupes en dépendance hiérarchique, mais deux collèges de dirigeants. Le ministère des Sept constitue une participation au charisme apostolique des Douze et comporte on tout premier lieu, comme pour eux, celui de l’annonce de la Parole. L’initiative de la mission est prise par Philippe, un homme du groupe d’Etienne, alors que la persécution s’étend et que les Apôtres demeurent accrochés à Jérusalem. Il inaugure la grande ouverture de l’Eglise primitive ‘vers les non-judéens, vers les membres de la Diaspora juive, en attendant quelle parvienne par les mêmes aux Gentils (c’est-à-dire aux non-juifs appelés "païens"), Ac 11 :20.

Ainsi, Luc on mentionnant l’investiture des SEPT, ne veut certainement pas présenter ici l’institution d’un "ordre" dont il n’est question nulle part ailleurs dans l’Ecriture. Luc montre que des besoins nouveaux dans l’Eglise ont conduit à la création et à l’organisation de ministères particuliers. Ils varieront au fur et à mesure que surgiront les exigences nouvelles du service de la Parole et du service de l’Eglise.

Les Sept ne sont donc pas des diacres. Tout au plus peut-on dire qu’ils sont les témoins institués par la communauté primitive pour la diaconie naissante de l’Eglise pour le monde. Il faut donc tordre le cou, une fois pour toutes, à cette absurdité ecclésiologique qui consiste à faire croire que les diacres d’aujourd’hui trouvent le fondement de leur ministère dans Ac 6. Quelle leçon à méditer pour les temps qui sont les nôtres et qui sont si frileux lorsqu’il s’agit d’inventer, dans la continuité apostolique, de nouveaux ministères exigés par les appels nouveaux et permanents de notre temps!


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