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N°3  Mars 1999


 

 


QUI NOUS DIRA DIEU ? camille-paul cartucci. metz

Les prêtres ordonnés en 1960 vont fêter, en l’an 2000, le 40ème anniversaire de leur ordination presbytérale. Ce sont des prêtres qui furent formés selon les schèmes de pensée du Concile de Trente revisité par la spiritualité de l’Ecole française du XVIIème siècle et à mille lieues du développement sécularisé de la société occidentale. Le Concile, venu trop tard pour eux, fut convoqué à l’exacte frontière où ils quittaient la vieille institution et où ils entraient en ministère, alors que se profilait à grands traits l’épure d’une théologie revitalisée de l’Eglise et du Monde.

Ils avaient mûri leur réflexion, leur liberté et leur foi selon un modèle sacerdotal fonctionnant sur la base des vérités à croire, des vertus morales à pratiquer, des sacrements à administrer, d’une spiritualité loin de toute réalité. Ils ont dû s’investir ensuite dans la mise au monde d’une église en plein aggiornamento. Il leur fallut tout ré-inventer, tout en résistant aux tensions inévitables nées du conservatisme doctrinal et du passéisme pastoral de beaucoup, passer progressivement d’une chrétienté de type théocratique où le pouvoir spirituel (le plus redoutable de tous) s’exerçait de manière autoritaire et sans partage, à une église pluraliste, diversifiée dans son mode de présence au monde, humblement ouverte à l’initiative apostolique des baptisés.

Ils sont aujourd’hui les derniers contingents d’une époque et d’une institution qui n’en finissent pas de se débarrasser de leurs oripeaux et de leurs nostalgies pourtant sans retour.

Il reste aujourd’hui très peu d’évêques en activité qui ont participé physiquement au concile du siècle et 99% eurent le courage de corriger la trajectoire pastorale de leur ministère et surtout de leur théologie. La plupart des prêtres qui existent encore sont issus des milieux ruraux ou des classes moyennes de la société industrielle. la plupart sont employés dans les villes qui les attirent et souvent les exténuent. Tout a été essayé depuis 40 ans pour trouver et former de futurs prêtres, même si le modèle proposé dans ces centres de formation est, à peu de choses près, très proche de celui des siècles postridentins. La régression très forte des actes cultuels publics joue sur le recrutement disparu d’une certaine catégorie de prêtres issus de la société traditionnelle.

Ils constatent comme tout le monde la disparition quasi programmée d’un corps social qui a eu ses génies d’intelligence spirituelle et de sainteté.

Ils savent que l’Eglise n’a d’autre finalité que d’exister pour le monde dans lequel elle inscrit son histoire, son message et son avenir; qu’elle est faite, non pour elle-même, mais pour ceux qui n’en sont pas ; que c’est l’Eucharistie qui construit, de l’intérieur, le Corps du Christ; que, hors de l’Eucharistie, il n’est point d’Eglise; que le ministre ordinaire de l’Eucharistie, c’est le prêtre validement ordonné à ce ministère par et pour son Eglise; que la raréfaction accélérée des ministres ordonnés entraînera conjointement une telle rareté de la célébration eucharistique que seront menacées tout ensemble l’existence de l’Eglise et l’annonce de l’Evangile. On reste à peine étonné devant le peu de conséquences pastorales concrètes qu’on en a tirées, au nom de l’ecclésiologie conciliaire du peuple de Dieu, pour la théologie du ministère apostolique qu'est le presbytérat.

Pourtant, une Eglise qui naît de l’Esprit reçoit de Jésus la grâce de l’avenir. On se demande alors pourquoi, au nom de cet Esprit qui semble toujours impulser l’Eglise, on n’ait pas, à côté des moyens considérables en argent, en locaux, et en personnes mis en œuvre pour réaménager indéfiniment les mêmes structures et d’assurer cahin-caha le recyclage inusable des mêmes filières, on n'ait pas, dis-je, su ou voulu inventer d’autres avenues qui d’ailleurs n’auraient pas supprimé celles existantes. Pourtant l’objectif pastoral prioritaire est clair: il s’agit de requalifier sans cesse ce qui est essentiel pour l’existence et la vie du peuple des fils (adoptifs) de Dieu: sa maturation dans la foi, son unité dans la communion et sa cohésion dans la mission prophétique qui est la sienne, là où il vit et là où il y va de son avenir. Après tout, c’est le peuple de l’Eglise à qui les sacrements ont été donnés pour sa croissance dans l’Esprit, qui a, en tant que tel et jusqu’à nouvel ordre, vocation d’annoncer l’Evangile aux Nations et de dire Dieu à tout l’Univers.

Voilà 50 ans que des ressources considérables en hommes, en bâtiments, en argent, ont été mises en œuvre, à juste raison, pour encourager, accompagner, diversifier les "vocations" et leur maturation ; qu’on a multiplié orientations et réorientations, voies de formation, séminaires de jeunes, d’aînés, foyers, revues, congrès, sessions, colloques, synodes diocésains, neuvaines de prières, GFU, GFO, CDV, etc.

Certes, la solution à la crise des vocations n’existe que dans la tête de ceux qui n’en ont aucune.

Certes, on a mis en place des ECOLES d’animateurs pastoraux dont certainement personne ne veut faire ni de pseudo-prêtres ni de mini-diacres ni de super-sacristains. Ce sont-là des produits de substitution, importants, indispensables, mais ils ne sont que cela : des relais et des pierres d’attente d’autre chose ; et rien d’autre.

Les quelques séminaires encore ouverts sont portés à bout de bras par des formations à bout de souffle. On continue, dans certaines régions, à investir des moyens énormes en argent, en personnes et en locaux, pour prolonger clopin-clopant la survie de ces vénérables institutions.

Et cependant, en regard du temps passé à réaménager et à perpétuer indéfiniment les mêmes structures, les mêmes institutions sans rien imaginer d’autre que le recyclage inusable des mêmes filières qui ont certes fait leurs preuves en leur temps, on se demande pourquoi on n’a pas passé autant de temps pour inventer et mettre en œuvre d’autres avenues ? Une Eglise qui naît de l’Esprit reçoit de Jésus la grâce de l’avenir. On se demande alors pourquoi, au nom de cet ESPRIT qui semble toujours animer et vitaliser I’EGLISE, on ne propose pas à des hommes matures, intelligents et radieux dans leurs baskets, socialement respectés, professionnellement engagés, membres responsables de conseils pastoraux, un ministère de type presbytéral associé collégialement au ministère presbytéral traditionnel. Ce ministère permettrait à des groupes ecclésiaux, à leur niveau, à leur manière, en totale communion avec le presbyterium de leur église, de "faire mémoire" du Seigneur. Ces adultes "craignant DIEU" obtiendraient, après une période de formation spirituelle et théologique, portés par leur équipe d’accompagnement, d’être appelés et ordonnés pour présider l’eucharistie d’une communauté ecclésiale au même titre qu’ils sont reconnus pour être, au nom de leur baptême, des responsables de la vie apostolique de cette même communauté. Le peuple de DIEU a tout de même le droit, majeur qu’il est, de pouvoir se donner, sous la responsabilité de l’autorité ecclésiastique en place, les ministères dont il a besoin pour assurer ce qui est essentiel pour lui: son existence authentique de peuple de Dieu, sa croissance dans la foi, son unité dans la communion et sa cohésion dans la mission apostolique qui est la sienne, là où il vit et où il y va de son avenir. Après tout, c’est le peuple ecclésial en tant que tel qui, jusqu’à nouvel ordre, a pour vocation et pour mission d’annoncer l’Evangile aux Nations et de dire Dieu à tout l’univers.

Eglise St Symphorien LONGEVILLE-LES-METZ


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