La cloche "Notre Dame de la
Confiance"
Eglise st Symphorien - Longeville-lès-Metz
J'étais en effet une pauvre cloche oubliée depuis plus de quarante ans dans
le sous-sol de l'église st Symphorien.
J'avais pourtant été baptisée le jour des Rameaux 1947: mon parrain fut
Joseph HOLTZINGER et ma marraine Jeanne CHOPP.
J'étais logée dans un campanile provisoire en bois. Je sonnais tous les
rassemblements de la communauté, avec beaucoup de fierté et de sonorité.
J'attendais qu'on me construisît un clocher de pierre, à côté de l'église
qui venait de remplacer la chapelle en bois.
Mais ce vœu ne fut jamais exaucé. Pire que cela ! Quand le clocher provisoire
fut détruit, on me remisa dans le sous-sol de la nouvelle église et j'y
dormis, oubliée, durant de longues années. J'ai attendu, j'ai attendu,
réduite au silence; moi qui ne demandais qu'une seule chose: résonner pour
chanter la vie !
Puis, un jour, quelqu'un passa par là, par hasard. C'était un homme élégant,
cultivé, très attentif à ce qu'il voyait et entendait. La classe, quoi ! Les
gens disaient: "Vous avez de la chance; il est là, pour vous tout
seul". La mésange qui venait gazouiller à mes côtés me souffla que
c'était le nouvel abbé de la paroisse. Il était accompagné de Bernard, vous
savez, cet homme fraternel et si habile de ses mains. La mésange me dit que
c'était le président du conseil de fabrique. Bah ! A voir son costume, ce
devait être un gars efficace. Il y avait aussi Paul, vous savez, cet homme à
la cravate dernier cri, qui gère les quelques sous de la paroisse. Je me suis
dis: "Ils tournent par là; ils cherchent quelque chose". Soudain,
l'abbé me vit, au milieu de chaises cassées, de vieux tapis, de tables
bancales…"Elle est belle…cette cloche. D'où vient-elle ? Que fait-elle
là ?" J'étais aux anges. Quelqu'un m'avait aperçue et s'intéressait à
moi. J'étais même fière, parce que, comme toutes les belles créatures,
lorsqu'un homme vous regarde, je ne vous dis pas, ça fait chaud au cœur…Et
les deux hommes importants qui accompagnaient l'abbé lui racontent mon
histoire. J'étais au paradis. "Et si nous la remontions ? Et si nous la
refaisions sonner ?" Je ne savais plus où me mettre…Ils ont essayé le
gong. J'y ai mis le paquet: un tintement de toute beauté, plein de force et de
résonance, le carillon des grands jours, quoi….Ils m'ont trouvé magnifique
et m'ont promis de me sortir de là.…
Puis les choses allèrent très vite. Bernard alla trouver son beau-frère, un
bricoleur sympathique qui sait tout faire. Ensemble, ils m'ont fabriqué une
charpente solide et superbe, ils m'y ont accrochée vite fait bien fait. Avec le
temps et la poussière sur le bronze, je m'étais un peu alourdie. Mais ils
n'eurent aucun mal à me hisser, propre et repolie, jusqu'au chœur de l'église
et c'est là que, depuis octobre 1999, j'annonce le début des célébrations,
que je participe à la prière de la communauté et que je réjouis l'oreille
des braves gens de st Symphorien, heureux de ré-entendre, après une si longue
absence, la musique d'une si belle histoire. Et ce jour-là, ce fut Anne
HOLTZINGER, l'épouse de Joseph décédé, qui le remplaça pour parrainer ma
nouvelle installation.
Camille-Paul Cartucci